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Transcription

Les linguistes ont longtemps parlé d'alternance de codes, donc cette idée qu'on parle deux codes: le français et l'anglais. Ce qu'on va souvent faire c'est d'alterner d'un code à l'autre. Les chercheurs en anthropologie du langage, les sociolinguistes parlent plutôt d'entrelacement des langues parce que ce qu'on voit c'est que les bilingues vivent comme sur un continuum, un continuum entre une langue et l'autre. Quand ils sont entre bilingues ils entrelacent, un peu comme une tresse est entrelacée. Ils vont entrelacer les langues pour utiliser les ressources linguistiques dont ils ont besoin pour communiquer un message. Parfois le meilleur mot, c'est un mot anglais pour un bilingue. D'autres fois c'est un mot espagnol par exemple. Mais ce n’est pas toujours la langue de l'école qui est cette langue qui est appropriée à ce moment là pour la communication. Donc je pense qu'en milieu scolaire il est important de reconnaitre la force de l'entrelacement pour la communication et pour l'identité du jeune qui est bilingue et d'amener l'élève à voir comment il est possible de délacer les langues pour, justement, être en mesure de fonctionner dans un milieu qui est unilingue. L'entrelacement des langues c'est bon pour la communication entre bilingues mais pour la communication avec un unilingue c'est moins évident. Je dirais que les élèves des écoles de la francophonie ontarienne comprennent ce principe lorsqu'ils sont devant un unilingue anglophone. La perception est souvent que tous les francophones sont bilingues donc l'entrelacement c'est approprié avec tous francophones alors que l'entrelacement est approprié entre bilingues dans certaines circonstances. Si je vais parler au directeur de l'école d'entrelacement est peut-être moins approprié parce que là j'ai une demande formelle à apporter. Donc le défi en milieu minoritaire francophone c'est de voir comment on peut amener les élèves à valoriser l'entrelacement, à l'utiliser à bon escient mais aussi à délacer pour leur donner accès au français standard. Parce que malgré tout ce qu'on dit par rapport à la variation de la langue il demeure que le rôle de l'école c'est d'aider à ce délacement là pour que les élèves aient accès à un français standard qu'ils peuvent utiliser dans un milieu unilingue également. Il faut dire que l'entrelacement et tout ce concept là a été utilisé beaucoup plus dans des milieux où la langue seconde est une langue minoritaire plutôt qu'une langue majoritaire. Donc au niveau de la recherche il n'y a pas beaucoup de données empiriques. Par contre, je peux parler d'expériences particulières ou l'entrelacement a eu sa place et où il y a eu délacement. On pourrait penser, par exemple, à développer des ateliers d'écriture bilingues. Je pense à Patrice Desbiens qui est un auteur francoontarien très bien connu qui, lui, écrivait des textes bilingues, par exemple L'homme invisible/The Invisible Man, et c'est incroyable de voir comment cet auteur a pu développer deux histoires parallèles, qui sont la même histoire et des histoires différentes en deux langues différentes. On pourrait demander aux élèves de produire quelque chose comme ça. Ils pourraient commencer avec un texte entrelacé et dans le processus d'écriture le délacer. Parce que c'est de l'écriture on a plus de temps à réfléchir. Ensuite on peut arriver dans la production cinématographique par exemple, ou encore de pièces de théâtre où on fait l'entrelacement et le délacement. Donc d'amener les élèves à jouer avec ce mouvement qu'ils vivent à tous les jours sans même s'en rendre compte. On pourrait également penser à la comparaison entre un texte qui est entrelacé et un texte qui serait en français standard et voir non seulement en terme de structure, mots et phases mais aussi en terme d'effet, quand on fait la lecture des textes comment on notre lecture est différente selon si la langue est lacée ou non. Ce sont des éléments. Je dirais également que l'entrelacement au niveau de l'évaluation de l'oral devient également un enjeu. Si on accepte que la pratique universelle des bilingues c'est l'entrelacement des langues il faut en tenir compte dans l'évaluation et voir en quelle mesure les élèves sont capables d'entrelacer et dans quelle mesure ils sont capables de délacer leur langue. Ce sont deux compétences différentes qu'il faudrait évaluer et de cette manière vraiment valoriser les compétences langagières des élèves parce que ce ne sont que des élèves bilingues qui ont la compétence nécessaire pour l'entrelacement. Je pense que si on peut la reconnaitre, la minoritude, l'insécurité linguistique pourrait être renversé jusqu'à un certain point.

L'entrelacement des langues dans la langue de communication

Les capsules pédagogiques de cette série clarifient quatre composantes :

  • repenser l’apprentissage de la langue française dans notre milieu plurilingue et pluriethnique en Ontario
  • préciser les compétences langagières à l’oral à observer et à enseigner
  • proposer des stratégies d’apprentissage et d’enseignement qui répondent aux profils des élèves dans nos écoles de langue française en Ontario
  • faire le monitorage de l’apprentissage des compétences langagières du point de vue d’une direction d’école coapprenante.